Voici le descriptif d'une mission à mener aussi bien dans le camp américain (18 P-38J) que du côté des Japonais (6 A6M2). Il s'agit d'intercepter, ou de défendre, l'amiral Yamamoto qui se trouve dans un Sally, un avion de transport japonais. Vous trouverez une biographie de l'amiral, une mise dans le contexte et un descriptif de la mission, côté américain.



Isoroku Yamamoto est né le 4 avril 1884, à Nagaoka. Capitaine de frégate à 35 ans, il part à Harvard (!) pour étudier l'Anglais. En 1934, il devient vice-amiral et défend la position japonaise à la conférence navale de Londres, où est discuté de limiter la taille de la flotte japonaise aux 3/5 de celle des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Il sera par la suite un fervant défenseur des porte-avions, alors que l'immense majorité des amiraux japonais croient encore en l'utilisation de cuirassés. Selon la légende, Yamamoto entraîne durement ses officiers, en partie en les faisant s'assoir sur des sièges cloutés (!) ou en les poussant à jouer au poker (dont il a appris les ficelles lors de son voyage aux Etats-Unis), sujet au bleuf et à l'improvisation permanents. Au début de 1940, il confiera au prince Konoye : "Si malgré tout je dois combattre, il faudra tout liquider en six mois ou un an. Je ne puis prendre la responsabilité d'une guerre de deux ans contre les Etats-Unis. Je suis contre le Pacte tripartite et je l'ai toujours été. Mais maintenant c'est trop tard. J'espère cependant que votre gouvernement évitera une guerre contre les Etats-Unis."
Mais lorsque la guerre arrive aux portes du Japon, il fera tout pour servir son pays. C'est à lui que l'on doit les extraordinaires plans de campagne des Aléoutiennes, de Midway, de Wake, de Guadalcanal etc. De son navire amiral, l'énorme cuirassé "Yamato" (une masse de près de 70 000t, une puissance de 150 000 CV, une vitesse de 27 noeuds, plus de 200 pièces d'artillerie, dont 9 pièces de 457mm !), sera émis le signal "Niitaka yama nobore" qui déclencha le 7 décembre 1941 l'attaque de Pearl Harbor.
Les Américains avaient presque toujours eu une avance technologique et numérique sur les Japonais (de meilleurs radars, une aéronavale plus puissante etc), mais ils étaient aussi tout le temps dominés par le génie tactique de Yamamoto et des amiraux japonais qui suivaient ses ordres à la lettre. En regardant toutes les batailles navales livrées à Guadalcanal, on dénombre la perte de deux porte-avions (le "Wasp" et le "Hornet"), six croiseurs lourds, deux croiseurs légers, quatorze torpilleurs... Que de dégâts pour deux mille hectares de jungle fétide et boueuse ! Clostermann compare Yamamoto dans le Pacifique à Rommel en Afrique : un véritable "épouvantail" à officiers alliés de haut rang !

Pour un complément d'informations quant à ce personnage, quelques liens vers des sites français et anglais...

http://www.1939-45.org/bios/yamamoto.htm
http://worldwartwo.free.fr/biographies/Yamamoto/yamamoto.html
http://www.history.navy.mil/photos/prs-for/japan/japrs-xz/i-yamto.htm
http://www.spartacus.schoolnet.co.uk/2WWyamamoto.htm
http://www.ww2db.com/person_bio.php?person_id=1
http://college.hmco.com/history/readerscomp/mil/html/mh_058900_yamamotoisor.htm



Avant de parler de l'interception d'un message confidentiel japonais par les Américains, qui sera à l'origine de la présente mission, il faut éclaircir le point suivant : comment les Etats-Unis ont-ils réussi à se procurer le code japonais, qui servait à crypter tous les messages secrets nippons.
Nous voilà dans la Mer de Béring, non loin des îles de Saint-Mathieu, en mai 1940. Un navire chasseur de phoques japonais avait sombré non loin de là, pris dans une tornade. Trois jours plus tard, les matelots d'un baleinier norvégien repêchaient le cadavre du commandant japonais. Les papiers et les pièces d'identité du mort furent gardés pour les fournir aux autorités. Dans les documents trouvés, il y avait un gros manuel, qui ressemblait à des tables de logarithme relié bizarrement, avec des chapes de plomb et de la toile. Le corps fut jeté à l'eau dans le respect du défunt et ses documents furent remis huit jours plus tard à un garde-pêche américain qu'ils croisèrent. Le capitaine américain, officier de réserve de l'US Navy, comprit dès qu'il ouvrit le livre, qu'il était en possession d'un des documents les plus précieux de l'époque ! Il fonça de suite vers Dutch Harbor où se construisait une grande base navale américaine. Vous l'aurez compris, ce modeste chasseur de phoques japonais possèdait le code primaire de la Marine impériale japonaise. Ceci était courant, la Marine impériale ayant infiltrée les milieux les plus communs pour prendre le plus d'informations et de photos possibles... A son grand tort !
Frank Knox, secrétaire d'Etat à la Marine des Etats-Unis écrira : "Cette découverte a représenté pour nous l'équivalent d'une flotte de bataille supplémentaire". Le code découvert était commun à l'Aviation, à la Marine et au Ministère des Affaires étrangères japonais, mais pas à l'Armée. C'était déjà bien assez pour suivre heure par heure les actions japonaises ! Il semblerait même que Roosevelt avait ainsi été informé de l'attaque de Pearl Harbor le 28 novembre. Intox ou vérité ? Restons en là.



Les sept antennes radio qui s'élèvent à plus de cent mètres au dessus des falaises de Dutch Harbor interceptent en cette matinée du 17 avril 1943 un message codé japonais. Les services d'écoute de l'US Navy aperçoivent vite que ce code a pour indicatif "Yamato" et il est donc aussitôt expédié en top priority à Washington. 28743253 54178932 72918367... Ces séries de chiffres sont décodées par les cryptographes, le travail est terminé à 11h. Le message indique l'horaire de déplacement de l'amiral Yamamoto, en tournée d'inspection par la voie aérienne. Classique... Le secrétaire d'Etat part déjeuner sans prêter attention aux possibilités offertes par cette nouvelle, somme toute assez banale. En mangeant, il se rend soudain compte de l'effet que provoquerait la mort de Yamamoto au Japon, descendu par des avions de chasse américains ! Il alerte aussitôt le chef d'Etat-major général de l'USAAF. Celui ci convoque un spécialiste des vols à long rayon d'action sur P-38, Charles Lindbergh, et un ingénieur de chez Lockheed. A la vue des cartes, Yamamoto peut être intercepté au dessus de l'aérodrome de Kahili le lendemain, par des P-38 venant de Guadalcanal. Le seul problème est le manque de temps ! Tout se fait très vite.
Deux messages sont envoyés de Washington à 15h35, direction le général Kenney (commandant des forces aériennes du sud-ouest Pacifique en Australie) pour trouver des réservoirs supplémentaires pour les P-38, et direction Henderson Field, le terrain d'aviation de Guadalcanal. Trois heures après (quelle efficacité hors paire de la part des Américains !), quatre Liberator décollent de Milne Bay pour rejoindre Guadalcanal, avec 18 réservoirs larguables de 310 gallons et 18 réservoirs de 165 gallons. A Henderson Field, le major Mitchell, commandant le squadron 339 de P-38 n'apprend la nouvelle qu'à 17h, l'aérodrome subissant une attaque japonaise entre 15h et 17h...



Le Major Mitchell et ses deux flight leaders sont convoqués à 17h10 au G.Q.G. de la Navy et de l'Air Force de Guadalcanal, dissimulé dans une palmeraie, enfoui sous le sable. Quinze kilomètres séparent ces bâtiments d'Henderson, parcourus en jeep du Fighter Control. Un télégramme attend les trois hommes.

Washington -- 17-4-43 -- 15h35 PM -- Most secret
Secrétaire Marine à Fighter Control Henderson
Eyes only

Amiral Yamamoto accompagné chef d'état-major et sept officiers généraux Marine impériale dont médecin chef grande flotte, parti de Truck ce matin 8h00 AM pour voyage aérien inspection des bases de Bouqainville, stop. Amiral et compagnie voyageront dans deux Sally escortées par six Zeke, stop. Itinéraire prévu Rabaul Bucka 16h30 PM stop. Amiral passera nuit Bucka repartant à l'aube pour Kahili, stop. Atterrissage Kahili prévu 9h45 AM stop. Amiral embarquera ensuite chasseur sous-marin à Ballale pour inspection unités navales sous commandement amiral Tanaka, stop.
Squadron 339 répète trois trois neuf P-38 doit par tous les moyens atteindre et détruire Yamamoto et état-major dans le courant matinée dix-huit avril, stop.Réservoirs supplémentaires et instructions courbes de consommation arriveront dix-sept avril au soir de Port Moresby, stop. Intelligence insiste sur extrême ponctualité amiral Yamamoto, stop. Président attache extrême importance à cette mission dont les résultats seront aussitôt communiqués à Washington, stop.

Signé : Frank Knox,
Secrétaire Etat à la Marine.


Document ultrasecret. Ne pas copier ni archiver.
Détruire après exécution.


Presque 2000 kilomètres aller-retour ! Cinq heures de vol à économiser l'essence en cas de combat aérien. Mitchell est d'autant plus inquiet qu'il n'y a que 18 P-38 mentionnés dans le télégramme. Et s'ils se retrouvent face à quarante Zero d'escorte ??
Durant le dîner (saucisses en conserve et biscuits !), des officiers de la Navy conseillent de couler le chasseur de sous-marin, une fois Yamamoto à bord. Les pilotes rétorquent aussitôt qu'il leur sera bien impossible de distinguer ce navire au milieu de centaines d'autres, et que même s'ils le touchent, Yamamoto pourrait s'en sortir à la nage, et les canons des P-38 seraient bien inutiles pour le tuer dans ces conditions ! Non, il faut l'intercepter avant qu'il atterrisse sur l'aérodrome de Kahili, donc aux alentours de 9h35 du matin. Quelle serait l'altitude de l'avion ? Sûrement moins de 3000m, pour ne pas indisposer les passagers, les avions n'ayant pas de masques à oxygène. Mitchell prend un peu à contre-coeur le commandement de douze des dix-huit P-38. Ces douze avions seront chargés de couvrir les six P-38 restants, qui eux devront à tout prix abattre les Sally. Les avions de Mitchell voleront à 6000m, les autres à 3500m. Décollage à 7h20 !
Les pilotes qui effectueront la mission sont tirés au sort, parmi les plus expérimentés des quarante pilotes du squadron, puisque tous veulent naturellement participer à cette mission unique ! Les Liberator remplis des réservoirs larguables atterrissent de manière sportive sur la piste boueuse et faiblement éclairée d'Henderson Field vers 21h, juste avant qu'un violent orage n'éclate. C'est donc sous un déluge d'eau que les mécaniciens s'affairent à fixer les réservoirs sous les avions, à la lueur des lampes de poches qui attirent des moustiques des plus dangereux, le black-out étant de rigueur, vu les bombardements permanents des Japonais. Le major Mitchell passera la nuit à superviser les mécaniciens, et c'est donc pas rasé qu'il accueille ses pilotes le 18 avril 1943, autour de sa jeep. Le ciel est plus clair que jamais et dès six heures, tous les pilotes du squadron s'étaient retrouvés au dispersal. Les instructions de Mitchell sont claires : les douze P-38 tentent d'intercepter l'escorte des Sally, alors que les six autres P-38 n'ont qu'un seul but : "Quoi qu'il arrive, foncez au travers des Zero sans vous en occuper...".



A 7h20, 36 moteurs Allison de 1600 ch démarrent et crachent une noire et épaisse fumée par les tuyaux d'échappement. Les P-38 roulent vers la piste formée de plaques métalliques perforées, dont la boue recouvre les bords. Un à un, les appareils s'élancent majestueusement... Certains écourteront la mission plus vite que prévu...



Pour laisser la chance aux pilotes virtuels que nous sommes de réécrire l'Histoire, la suite de la mission historique sera dévoilée après coup. Le briefing est donc le suivant : décollage à 9h10 (la distance à parcourir n'est pas la même, et le décollage ne se fait pas de Guadalcanal. La carte tente de concilier la présence d'îles, des aérodromes pour les deux camps et une assez grande distance entre les deux bases principales), vol à 6000m pour 12 P-38, croisière à 3500m pour les autres. Un vol d'une vingtaine-trentaine de minutes avec réservoirs larguables avant interception théorique des Sally, au large de l'île où se trouve l'aérodrome représentant l'étape finale de l'amiral Yamamoto. Les 6 P-38 n'ont qu'un objectif : abattre les deux Sally ! Les 12 autres P-38 couvrent les premiers et s'occupent de la très probable escorte japonaise ! Atterrissage vers 10h-10h15 à Henderson Field, selon un axe ouest-est.







Ne pensez qu'à une seule chose aux commandes de vos P-38 : vous serez tous à moins de quelques centaines de mètres de l'amiral qui a déclenché l'attaque de Pearl Harbor, qui sera sûrement tranquillement assis sur un siège, emmitouflé dans un manteau vu les températures négatives à 3000m, regardant à travers le hublot le ciel bleu... Paniquera-t-il à votre arrivée ? A-t-il paniqué à la vue des Ligthning ? Mystère...

Pack de skins (dont le Sally de Yamamoto)

Ah oui, une dernière chose. Bons vols !!!


Le texte est très inspiré du livre "Les Feux du Ciel" de Clostermann. Merci à l'auteur et à ce très bon ouvrage !