En Japonais, kaku signifie la grue, oiseau blanc très emblématique du pays du Soleil levant, très grand (envergure jusqu’à 2,80m) et très léger (seulement une dizaine de kg). Le Sho se rapporte à son vol majestueux, puissant.
Le Shokaku, et son sister ship le Zuikaku, sont les plus grands porte-avions japonais construits durant le conflit. Commencé fin 1937, le Shokaku sera lancé le 1er juin 1939, et achevé le 8 août 1941. Le Zuikaku trouvera les flots deux mois plus tard. Ce sont des porte-avions blindés et jalonnés de nombreuses pièces anti-aériennes, mais ils sont toujours aussi vulnérables à cause du manque de protection des canalisations de carburant. En effet, celles-ci ne peuvent être purgées par du CO2 lors d’attaques aériennes. Il suffit donc d’une explosion pour détruire ces canalisations et engendrer un immense incendie et d’autres explosions en chaîne. Les portes blindées sont rares et le fait de préparer les avions dans les hangars et non sur le pont d’envol accentue les risques d’explosion en cas de bombardement.
Le Shokaku peut embarquer 72 avions plus 12 autres en réserve. L’équipage est composé de 1660 hommes, dont une partie s’occupe de la propulsion du navire, grâce à une puissance de 160000CV, ce qui permet au porte-avions d’atteindre 34,2 nœuds. Le blindage du navire se situe uniquement sur les flancs, le pont d’envol n’étant qu’une fine couche de parquet. Le pont d’envol fait 242,20m de long, sur 29m de large. Trois ascenseurs permettent de monter et descendre les avions aux deux hangars disponibles. Concernant la défense anti-aérienne, le Shokaku se trouve doté de 8 affûts double de 127mm, 16 affûts triple de 25 mm. Enfin, son rayon d’action avoisine les 16000km.
Comme vous l’avez sûrement remarqué, le Shokaku est opérationnel peu avant Pearl Harbor. L’amiral Yamamoto ne sait pas encore s’il peut compter sur ce porte-avions et son jumeau pour l’attaque surprise. Toute la difficulté réside dans le fait que l’équipage n’est pas encore assez entraîné. Durant les mois précédent l’attaque, les pilotes effectueront des dizaines de décollage appontage, des bombardements et des simulations de combat aérien, sans jamais pour autant être confrontés à l’ennemi.
Pour pouvoir utiliser le Shokaku et le Zuikaku pour Pearl Harbor, les Japonais envoient une partie du personnel du Ryujo à leurs bords, ainsi que d’autres unités. Le niveau d’entraînement de la 5ème Division (formée par les deux porte-avions) est considéré comme moyen, c’est pourquoi les équipages se verront confiés des tâches plus simples comme l’attaque des aérodromes de Pearl Harbor. En novembre 1941, Yamamoto se voit soulagé, pouvant compter sur plus de 400 avions embarqués sur six grands porte-avions. Le Shokaku fournira lors de la première vague du 7 décembre 1941 26 D3A1 et 5 A6M2. Leur mission est un succès, détruisant rien moins qu’une quarantaine d’avions sur Hickam Field et Wheeler Field. 27 B5N2 du Shokaku participent à la deuxième vague.
Le Shokaku participera ensuite aux nombreuses victoires de la première moitié de l’année 1942. D’abord en prenant part à la prise de Rabaul dans le Pacifique sud-est, ce qui engendrera une bataille qui durera plus d’un an. Fuchida (le leader des avions torpilleurs lors de l’attaque contre Pearl Harbor) déclarera à la suite de la prise de la ville : « si un marteau a un jour été utilisé pour casser un œuf, c’est bien cette fois ! ». Avec cinq porte-avions, dont le Shokaku, la Marine impériale ira se frotter avec succès aux possessions britanniques de l’Océan Indien. Elle y coulera deux croiseurs lourds anglais, laissant les Britanniques totalement perplexes face à la précision et à la puissance des bombardements japonais. Les pilotes japonais couleront encore un porte-avions et au moins trois cargos. Il y a eu des pertes côté Japonais et en particulier parmi les équipages du Shokaku, mais rien de grave, selon la Marine impériale. En effet, l’opération fut un succès, aucun navire japonais touché.
Le Shokaku fut ensuite envoyé avec le Zuikaku prendre part à la bataille de la Mer de Corail, qui devait déboucher sur la capture de Port Moresby, principale ville de Nouvelle-Guinée, abritant une grande base navale américaine. Ce n’est pas le but de décrire cette bataille, donc seul l’essentiel sera dévoilé. Le 8 mai 1942, quatre porte-avions manoeuvrent sans arrêt pour se trouver et lancer des attaques aériennes déterminantes. D’un côté le Shokaku et le Zuikaku, de l’autre le Lexington et le Yorktown. La veille, les avions américains avaient trouvé le petit porte-avions japonais Shoho, qu’ils ont coulé de sang-froid. Durant la nuit du 7 au 8 mai, un raid aérien japonais avait tenté de bombarder les navires américains. Ce fut un échec, et les pertes qui l’accompagnèrent, lourdes.
Lorsque le jour se lève, les équipes de reconnaissance sont nombreuses. Les Japonais repèrent les porte-avions ennemis en premier, à 8h33. A 9h, les avions de la Marine impériale décollent. Seulement, vers 9h30, un Dauntless signale à son tour avoir trouvé les porte-avions japonais. Aussitôt, les appareils américains quittent les ponts d’envol.
Qui arriveront les premiers ? Qui sera plus efficace ?
Les Japonais se taillent incontestablement la part du lion. Le Lexington est coulé après avoir été atteint par plusieurs bombes et torpilles. Ses réserves de munitions finissent par exploser, détruisant totalement le navire. De son côté, le Yorktown est durement touché par une bombe qui engendre plusieurs explosions dans les hangars. Les Japonais jubilent ! Ils pensent avoir coulé deux grands porte-avions ! Cette erreur leur coûtera cher par la suite, lors de la bataille de Midway. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils comprirent que le Yorktown fraîchement réparé participait à la bataille ! Bilan : quatre porte-avions japonais coulés…
Mais revenons à la Mer de Corail. Les avions américains finissent par apercevoir le Shokaku. Isolé des croiseurs lourds et du Zuikaku, qui se trouve à ce moment caché dans un gros grain, il se retrouve désemparé. Malgré la défense acharnée de quelques Zero du Shokaku, le porte-avions est touché de plein fouet par deux bombes de 500kg, largué par des Dauntless en piqué. De nombreux incendies ravagent le navire. Le pont d’envol est indisponible, mais toutefois, les machines répondent et donnent pleine puissance au Shokaku. Les avions japonais qui n’ont plus de porte-avions reçoivent l’ordre de se poser sur le Zuikaku. 12 avions seront balancés par-dessus bord pour faire de la place !
Le Shokaku sera à nouveau disponible à la mi-juillet. Le groupe aérien est réorganisé et complété. Ce ne sont plus 21 Zero qui font partie du voyage, mais 27. Durant sa réparation, le porte-avions reçoit pour la première fois un radar Type 21 Go Dentan Modèle 1, le premier de ce genre au sein de la flotte japonaise. La formation de nouveaux pilotes est très aléatoire et peu efficace. En effet, les vétérans ne reviennent que rarement dans les centres de formation pour faire partager leur expérience. Ils restent à bord des porte-avions, ce qui n’est pas un lieu des plus sûrs. Les Japonais perdront leurs vétérans un par un, au combat, face aux Américains de plus en plus nombreux. La tendance sera bien pire que dans la Luftwaffe. Alors que les pilotes sont de plus en plus formés côté alliés (en général plus du double d’heures qu’un pilote de l’axe sur la fin de la guerre), parce que l’on dispose du temps, des moyens (carburant, munitions, avions) et des instructeurs, la débâcle commence à pointer son nez, vers la région du Soleil levant. Le Japon a voulu frapper très fort, et il a réussi, avec Pearl Harbor. L’adversaire étant encore à terre et totalement dérouté, il put récolter encore quelques victoires éclatantes. Mais comme le dira Yamamoto, l’Empire n’a fait que réveiller un géant industriel qui, une fois la machine mise en route, ne pourra qu’écraser le Japon. Au fil des années, on se rend compte de la folie des grandeurs qui empara les Japonais d’un côté, les Allemands de l’autre (les Italiens peuvent être mis dans le même sac, ils étaient peut être même encore plus aveugles que leurs camarades de guerre, vu le peu de moyens dont ils disposaient). Le Japon, tout comme l’Allemagne, était prêt au début de la guerre. Le Zero, meilleur chasseur embarqué au monde, des torpilles très performantes pour le B5N2, six porte-avions… La Marine impériale avait d’incontestables atouts. Mais le Japon s’était réellement préparé au conflit, pas les Etats-Unis. Et lorsque ces derniers réalisèrent la tâche qu’ils allaient devoir accomplir, les porte-avions américains furent construits par dizaines, les sous-marins déployés tout autour du Japon, annihilant une grande partie des ravitaillements nippons. Les programmes d’avions américains n’en étaient qu’à leurs débuts que déjà, les Japonais ne savaient pas comment faire évoluer leur légendaire Zero. Le Japon, et l’Allemagne, furent « victimes » de leurs « succès ». La tendance s’inversa de manière beaucoup plus claire et accentuée pour le Japon. A partir de la deuxième moitié de 1942, l’essentiel des jours de combat japonais ne fut qu’une défense acharnée, courageuse et presque folle (!), vu l’absence de porte de sortie et d’avenir, devant une Armée américaine qui ne faisait que grandir, mûrir, s’améliorer… Bien sûr, il n’est pas utile de ternir le tableau japonais jusqu’au bout. Dans toute cette lutte dégénérée, de nombreuses victoires ont redonné goût à l’Armée et à la Marine japonaises. Mais Einstein sembla préférer les Hamburger aux Sushi.
Revenons en aux faits ! Après la bataille de Midway, le 7 août 1942, dix mille Marines américains débarquent à Guadalcanal, en guise de contre-offensive. S’ensuivra une longue guerre d’usure ponctuée de rebondissements. C’est au cours de ces combats que l’amiral Yamamoto sera abattu dans son avion.
Pour faire face aux Américains, Yamamoto veut envoyer un convoi de navires avec des renforts en hommes. Mais le 8 août, le convoi reçoit l’ordre de faire demi-tour. Un des navires est d’ailleurs torpillé par le sous-marin américain S-38, coulant avec 373 hommes à bord. Durant la nuit du 9 août se déroule une bataille navale, où les Américains se font écraser. Ils perdent cinq croiseurs et un destroyer. Des deux côtés, des renforts affluent sur l’île, et les combats sont très rudes. Mais les Marines semblent tenir Guadalcanal. Le principal problème pour les Japonais est l’US Navy. Yamamoto veut en finir dans un combat décisif, pour ensuite pouvoir acheminer du ravitaillement et des renforts vers l’île.
Il a trois porte-avions pour cela. Le Shokaku et le Zuikaku sous les ordres de l’amiral Nagumo, et le petit Ryujo de l’amiral Kondo. L’objectif premier est de couler les porte-avions ennemis. Puis, d’attaquer l’aérodrome de Guadalcanal, Henderson Field, avec l’aviation embarquée. Pendant que les renforts japonais arriveront par la voie maritime, les avions devront couvrir les convois, tandis que les croiseurs nippons bombarderont l’aérodrome. Dans la journée du 23 août, les porte-avions japonais sont dans le secteur des Salomons, 190 miles au nord de Guadalcanal. La force de Kondo se trouve 100 miles plus à l’ouest de celle de Nagumo. Dès 9h50, un Catalina repère le convoi. La Task Force 61 de l’amiral Fletcher est avertie et aussitôt, des avions décollent du Saratoga. Heureusement pour les Japonais, les porte-avions nippons font demi-tour en étant au courant de rien, et les Américains ne trouveront que de l’eau.
Le lendemain, rebelote, un Catalina surprend le Ryujo et son escorte à 9h05. Il est à nouveau aperçu vers 11h30. Fletcher hésite à envoyer un raid, sachant qu’une vingtaine de Dauntless sont déjà en patrouille. En fin d’après-midi, il est informé de la présence du Shokaku et du Zuikaku. De leur côté, les Japonais sont aussi actifs et envoient plusieurs hydravions lourds en reconnaissance. A 14h25, Nagumo reçoit un message d’un avion de reconnaissance peu avant qu’il soit abattu, l’informant de la présence des navires américains.
A 14h15, 30 SBD et 8 TBF décollent du Saratoga, pour détruire le petit porte-avions Ryujo. Entre-temps, ces avions recevront l’ordre d’attaquer les deux autres porte-avions. Mais, ne les trouvant pas, les pilotes américains repartiront sur leur mission initiale. Vers 15h, les premiers avions américains attaquent le Ryujo, la couverture aérienne nippone laissant plus qu’à désirer, le porte-avions ayant fait décollé une grande partie de sa force dans le milieu de la journée, pour attaquer des cibles terrestres. Une torpille américaine touche le porte-avions à l’arrière, endommageant le gouvernail et la salle des machines. Deux ou trois bombes explosent également sur le navire. Rapidement, le porte-avions prend de la gîte, qui atteint 21° vers 17h, et les machines doivent être stoppées. Le navire est évacué, pour finalement couler vers 20h, en flammes. Il aura entre temps essuyé une autre attaque américaine, menée par 3 B-17 qui larguent leurs bombes sans précision. Le terrain est donc désormais entièrement laissé aux deux porte-avions jumeaux, les Shokaku et Zuikaku. C’est à ce moment précis que commence notre campagne de Guadalcanal.
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